[MUSIQUE] Continuons, si vous le permettez, avec notre analyse de contrat, et avec sa progression naturelle selon le schéma de rédaction des contrats dont nous parlions, la structure usuelle. Encore une fois, je vous l'ai dit plusieurs fois déjà, mais je ne le répèterai jamais assez, il ne s'agit que d'usages et, par conséquent, on peut tout à fait mettre les choses dans un autre ordre. Mais, je dirais qu'il est tout de même d'usage, après ces éléments qui touchent à l'exécution du contrat, l'accord de base, les conditions, les garanties, la responsabilité, le transfert ou non de la propriété, que les parties intègrent dans le contrat un certain nombre de clauses sur la durée de ce contrat et, le cas échéant, sur sa résiliation. C'est le chapitre suivant. Alors, là encore, dans certains contrats, la question ne se pose pas : s'il s'agit d'un contrat d'exécution instantanée, vous devez livrer telle marchandise à telle date, la question de la durée du contrat ne se pose pas ; le contrat sera épuisé par son exécution à la date convenue. En revanche, de très nombreux contrats sont des contrats dont l'exécution s'inscrit dans la durée ; ce sont des contrats de durée. Tous les contrats de service, évidemment, impliquent un service qui doit s'exécuter sur une certaine durée, qu'il s'agisse d'un contrat de mandat, qu'il s'agisse d'un contrat de mandat, qu'il s'agisse d'un contrat de transport. Le contrat d'entreprise est également un contrat qui, souvent, implique une durée assez longue. Vous avez des contrats d'entreprise qui ont une durée prévue de plusieurs années, et une durée réelle de quelques années supplémentaires, très souvent. Puis vous avez des contrats qui, par nature, sont des contrats de très longue durée : le contrat de travail, si c'est un contrat à durée indéterminée, le contrat de bail, certains contrats de société où, dans le fond, les parties envisagent, de façon très pérenne, la mise en œuvre de leurs relations contractuelles. Il faut faire attention avec ce terme de relation pérenne, parce que pérenne ne veut pas dire éternelle. Un contrat ne peut pas être éternel, en tout cas pas en droit suisse. La question se pose, je crois, en droit anglo-saxon, de savoir si un contrat éternel est admissible ou pas. Mais en droit suisse, en tout cas, clairement pas ; ce serait contraire aux règles de protection de la personnalité, article 27 du Code civil, où il a toujours été considéré qu'un contrat à durée excessive n'était pas valable en droit suisse. Malheureusement, il n'y a pas de règle très claire pour savoir ce qui est excessif ou pas, parce que cela dépend de l'intensité de l'engagement. Évidemment, si vous êtes au service de votre employeur, la durée ne doit pas être trop longue, parce que le service implique un engagement très important. Si c'est un contrat où vous faites une prestation qui vous implique moins, la durée peut être plus longue. C'est donc l'article 27 du Code civil : il n'y a pas de contrat éternel en droit suisse. Mais il peut y avoir, évidemment, des contrats de longue durée. Vous avez, parfois, des droits qui peuvent être éternels, notamment en matière de droits réels : certaines servitudes peuvent être constituées de façon, entre guillemets, éternelle, parce que rien n'est éternel, mais en tout cas sans limite de temps. Les servitudes peuvent l'être : notamment, un droit de passage, s'il est inscrit au registre foncier, peut s'inscrire dans le temps sans aucune limitation. Mais ce sont des droits, des droits réels ; en matière contractuelle, un contrat éternel serait contraire au principe de l'article 27 du Code civil. Cela veut dire qu'il faut prévoir la fin du contrat, pour que le contrat ne soit pas éternel. Et, si l'on envisage la fin du contrat, alors c'est un peu comme ce qui se passe avec la nature humaine ; on peut envisager la fin naturelle du contrat, son décès, c'est la résiliation ordinaire du contrat. Puis vous avez les accidents de la vie, voire les exécutions capitales, qui font que la durée peut être moins longue que prévue ; c'est ce qu'on appelle la résiliation extraordinaire du contrat. Souvent, les deux doivent être intégrés dans les clauses de durée, parce qu'il faut prévoir ce qui se passe si tout va bien, auquel cas le contrat mourra de sa mort naturelle, dans son lit si je puis dire, mais il faut aussi prévoir ce qui se passe lorsque les relations se tendent entre les parties et que des motifs justifient que le contrat prenne fin le plus rapidement possible. Ce sont là des clauses de résiliation extraordinaires, et c'est ce dont j'aimerais vous parler maintenant, en attirant tout de même votre attention sur le fait que, là encore, nous touchons, en matière contractuelle, à un domaine qui est un peu délicat, parce qu'il y a un certain nombre de dispositions impératives en la matière. Dans tous les ordres juridiques, vous avez des règles potentiellement impératives en matière de résiliation des contrats. D'abord, parce que, parmi les contrats de durée les plus classiques, il y en a deux qui sont des contrats où vous avez une partie qui, traditionnellement, est considérée comme une partie faible qui doit donc être protégée par le législateur : c'est le contrat de travail, bien sûr, et c'est le contrat de bail, d'autre part. Contrat de travail, contrat de bail, ce sont deux contrats qui, par nature, s'inscrivent dans la durée. Mais le législateur considère que le travailleur est une partie faible qui doit être protégée contre les abus d'employeurs potentiels. Puis le droit du bail où, là encore, vous avez des règles de protection des locataires. En droit suisse, ce sont les règles contre les résiliations abusives, les congés abusifs, des contrats de bail. Puis vous avez aussi des règles formelles sur les modalités de la résiliation ; par exemple, en droit suisse, il faut utiliser une formule officielle lorsqu'un bailleur veut résilier un bail, parce que cette formule officielle contient toute une série d'indications qui sont des indications qui permettent d'informer le locataire sur ses droits et ses possibilités de contestation de la résiliation. Évidemment, si on est dans ces domaines là, vous pouvez mettre toutes les règles que vous voulez dans le contrat en matière de résiliation, il y a de fortes chances qu'elles se heurtent à des dispositions impératives qui prévaleront, bien entendu, sur les dispositions contractuelles que vous aurez créées ; là encore, il faut faire attention et étudier en détails les règles en matière de droit du bail et du travail dans la juridiction dans laquelle vous vous trouvez, qui ne sont pas d'ailleurs forcément les règles applicables au contrat puisque ce sont souvent des règles qui s'appliquent quel que soit le droit choisi par les parties. En matière de bail ou en matière de droit du travail, évidemment, les parties ne peuvent pas simplement contourner les règles impératives en choisissant, je ne sais pas, le droit des Bahamas comme étant le droit applicable au contrat de travail ou au contrat de bail ; ce serait, évidemment, tout à fait excessif et ce ne serait pas tolérable. Il y a ces contrats dits sociaux, en tout cas avec une partie qui doit être protégée, il y a aussi le principe très général, dont je vous ai parlé, de l'article 27 du Code civil, les droits de la personnalité, qui font qu'on ne peut pas envisager un contrat à très long terme qui aliénerait trop longuement la liberté économique d'une partie. Il y a, en droit suisse, une difficulté particulière qui est en voie de suppression, peut-être, mais qui pour le moment, à vrai dire, est assez embarrassante, c'est l'article 404 du Code des obligations. Il s'applique, en droit suisse, aux contrats de mandat, qui sont tous les contrats de service. Donc, tous les contrats de service sont soumis à cette disposition selon laquelle le contrat peut être révoqué en tout temps. En d'autres termes, vous pouvez mettre tout ce que vous voulez comme clauses de résiliation ou de durée dans votre contrat, si une partie à un contrat de service décide de mettre fin à ce contrat de service, elle peut le faire, et elle peut le faire sans motiver sa décision. Cela peut paraître surprenant, voire même choquant, que, contre le texte même du contrat, contre les expectatives des parties, une d'entre elles puisse révoquer ou résilier le contrat sans motif particulier. Mais il faut voir ce dont on parle : les mandats, traditionnellement, sont des contrats de service avec, souvent, un élément de confiance fort entre les parties. Imaginez, par exemple, le contrat entre un client et son avocat, contrat de service classique. Est-ce qu'il serait admissible que l'avocat fasse signer à son client un contrat selon lequel il est son avocat pendant une durée de 5 ans, non résiliable? Et si le client n'a plus de bons rapports avec son avocat, il serait quand même tenu par cette clause de durée ; ce serait tout à fait inadmissible, parce que le client doit pouvoir librement choisir son avocat. Même si c'est injustifié, et même si c'est injuste, s'il ne se sent plus à l'aise avec son avocat, il doit pouvoir choisir un autre défenseur ; c'est l'idée de l'article 404. Même chose avec un médecin, ou un psychologue : vous allez chez un psychologue, vous vous entendez bien avec lui ; est-ce que le psychologue peut dans le contrat vous faire signer une clause de durée qui fait qu'il restera exclusivement votre psychologue pendant une durée de 5 ans? Bon, vous pouvez signer le contrat. Si le psychologue ne vous convient pas, même s'il n'a pas commis de faute professionnelle, même s'il n'a pas lui-même violé ses obligations, si, tout simplement, les relations humaines entre les parties se sont dégradées et que ce psychologue ne vous soigne plus correctement, en tout cas à votre avis, vous devez pouvoir quitter cette relation contractuelle ; et une clause qui vous en empêcherait serait abusive. C'est cela l'idée de l'article 404 du Code des obligations, et cette idée n'est pas contestable en tant que telle. Sauf que, bien sûr, il y a des contrats de service avec une relation de confiance très étroite entre les parties, puis il y a beaucoup d'autres contrats de service où on se dit que c'est commercial et est-ce que, vraiment, on ne peut pas prévoir une durée pour ces contrats qui sont beaucoup plus commerciaux. L'article 404 du Code des obligations est peut-être un peu excessif. En tout cas, dans son champ d'application, encore une fois, les règles sur le mandat et l'article 404 du Code des obligations s'appliquent à tous les contrats de service qui ne font pas l'objet d'une législation spécifique. Cela est, vraisemblablement, ce qui rend l'article 404 du Code des obligations excessif dans ses conséquences. Du coup, il y a une réforme qui est en cours, en tout cas qui est discutée au parlement suisse, sur une révision de l'article 404 du Code des obligations. qui viserait à ne plus le rendre impératif. Bon, le législateur suisse a une grande qualité, c'est qu'il n'est pas rapide. Je ne dis pas ça en plaisantant. C'est vraiment une grande qualité par rapport à d'autres législateurs qui ne sont assez proches et qui font preuve d'une certaine fébrilité, et je parle aussi du législateur européen qui est assez foisonnant dans les textes qu'il met en vigueur. Le droit suisse est un droit qui évolue doucement. C'est plutôt mieux pour la qualité du droit suisse, ça permet de faire les choses plus sereinement. Évidemment, dans des domaines où une certaine urgence se fait ressentir, c'est parfois un peu frustrant. Et c'est peut-être un peu frustrant par rapport à la réforme que l'on pourrait envisager de l'article 404 du Code des obligations. Mais enfin, le parlement est saisi de cette question en vertu d'une initiative parlementaire qui porte un nom assez magnifique, puisqu'il s'agit de faire entrer le droit suisse dans le XXIe siècle. Et donc, effectivement, si l'article 404 du Code des obligations est modifié, alors peut-être que le droit suisse sera enfin entré dans le XXIe siècle. Mais pour le moment, nous n'y sommes pas tout à fait, et donc il faut faire attention évidemment, si vous rédigez le contrat, et si ce contrat est un contrat de service au caractère impératif de l'article 404 du Code des obligations. Et puis, enfin, dernier principe de droit suisse impératif. Mais là, je reviens un peu au droit suisse parce qu'évidemment, ça dépend de la jurisdiction dans laquelle vous vous trouvez. À chaque fois, il faut voir ce qu'il en est dans le droit qui est applicable au contrat. En tout cas, si le droit suisse est applicable au contrat, vous avez maintenant au droit suisse un principe qui n'est pas un principe légal, mais qui est principe jurisprudentiel, qui a été posé par le tribunal fédéral dans un arrêt fameux, l'ATF 122 III 263 qui a posé le principe général pour tous les contrats selon lequel il est toujours possible de résilier un contrat de durée pour juste motif. Quel que soit le type de contrat, quel que soit les clauses de ce contrat et quel que soit par ailleurs les clauses de durées qui ont été prévues par les parties. Résiliation pour juste motif, alors c'est prévu pour certains contrats. En droit suisse, il y a la possibilité de résilier un contrat de travail pour juste motif. Il y a, en droit suisse, de résilier un contrat d'agence pour juste motif. Donc, le principe existait, mais ce qui a été fait par le tribunal fédéral, ce n'est pas de créer ce principe, mais c'est de l'étendre comme principe général à l'ensemble des contrats de durée. Alors évidemment, une fois qu'on a dit ça se pose la question de savoir qu'est-ce qu'un juste motif. Un juste motif, c'est toutes ces constances de nature à rompre définitivement la confiance entre les parties. C'est la destruction définitive de la confiance entre les parties. Donc, c'est souvent une violation du contrat, mais une violaton grave du contrat qui met fin à la confiance entre les parties. Ça peut être, le cas échéant, un juste motif objectif, une circonstance extérieure. Si par exemple, une grande société Coca-Cola travaille avec une fabrique de bouteille et que cette fabrique de bouteille est rachetée par Pepsi-Cola, bon, on peut comprendre quand même que Coca-Cola ne souhaite pas travailler avec une société qui appartienne à Pepsi-Cola. Et donc, ce serait un juste motif de résiliation du contrat, même si, par ailleurs, ce fabriquant de bouteilles n'a commis aucune violation de ce contrat. Voilà, ça, c'est la théorie du droit suisse. Alors, c'est une théorie qui s'impose à tous les contrats, qui s'impose donc aussi aux rédacteurs de contrats, et vous avez souvent des clauses dans les contrats qui vous disent quels sont les cas de résiliation. Nous sommes toujours obligés de prévenir nos clients qu'en droit suisse, eh bien, il peut y avoir une autre cause de résiliation qui n'est pas prévue dans le contrat, qui serait un juste motif de résiliation au sens ou la jurisprudence du tribunal fédéral l'a défini. Voila donc, je crois avoir fait, en tout cas du point de vue suisse, le tour des dispositions impératives qu'il faut avoir en tête, lorsque l'on rédige ces clauses de durée. Les contrats sociaux ou avec la protection d'une partie faible, la protection de la personnalité avec les contrats de durée excessive, le principe de l'article 404 du Code des obligations. Ça, c'est un helvétisme, c'est vraiment une spécificité du droit suisse. Et puis, le principe de la résiliation pour juste motif, ça, on trouve ça de façon plus large dans le monde, mais ça a été en tout cas posé comme principe par le tribunal fédéral en Suisse depuis quelques années maintenant. Il faut avoir bien évidemment, ces principes juridiques en tête, voire d'autres règles si vous évoluez dans un autre ordre juridique, lorsque vous rédigez les clauses de durées puisque vous ne bénéficiez pas d'une liberté contractuelle pleine et entière sur ces contrats. [AUDIO_VIDE]