[MUSIQUE] [MUSIQUE] Voilà, Mesdames et Messieurs, lorsque on vous demande de rédiger un contrat, c'est souvent le résultat d'un long processus, durant lequel les parties se sont échangé de très nombreux documents. Et alors, la question qui se pose c'est de savoir si ces documents peuvent avoir une conséquence juridique, parce qu'ils peuvent, le cas échéant, influencer la façon dont ensuite le contrat sera mis en œuvre. Et c'est de ces documents précontractuels dont j'aimerais que nous parlions aujourd'hui. Ce n'est pas encore le texte du contrat, nous ne sommes pas déjà dans la rédaction du contrat lui-même, mais nous sommes dans ce qui précède la rédaction de ce contrat. C'est-à-dire les échanges de courriers, de procès-verbaux de réunion, d'e-mails, qui ont lieu, et qui conduisent à la conclusion du contrat. Alors, finalement, lorsque on s'intéresse à ces documents-là, très informels souvent, eh bien, de deux choses l'une, soit le contrat, finalement, a été signé, soit le contrat, finalement, n'a pas été signé. Alors si le contrat, qui faisait l'objet de ces discussions, de ces négociations plutôt, a été signé, on aurait tort de penser que ces documents précontractuels ne sont pas importants. Pourquoi? Eh bien, vous vous en souvenez, je vous l'ai dit, le droit suisse, comme la plupart des pays de droit civil, interprète le contrat à la lumière de toutes les circonstances, de façon à déterminer la volonté des parties. Alors, quelles circonstances est-ce qu'on peut prendre en considération? Eh bien notamment les documents précontractuels. Pour savoir quelle était, effectivement, la volonté des parties, lorsqu'elles ont inséré une clause, en particulier, dans le contrat. Donc, ces documents précontractuels peuvent être utilisés, dans le cadre de l'interprétation du contrat. Et puis, ces documents précontractuels peuvent aussi être utilisés parfois pour compléter le contrat. Parce que, je vous rappelle qu'on parle de contrat qui ne sont pas soumis à des formes particulières, j'ai commencé ce cours en vous disant qu'on peut conclure un contrat, en se serrant la main. Eh bien on peut aussi conclure un contrat en envoyant un e-mail, si l'autre partie répond qu'elle est d'accord, ou alors en se serrant la main dans une réunion, si ensuite il y a un procès verbal de réunion qui indique ceci, vous avez la preuve que l'accord est intervenu. Et donc finalement, même si le contrat, finalement, est signé, eh bien, le risque de ces documents contractuels, pour les parties, ce serait qu'il y ait d'autres accords que ceux qui ont été retranscrits dans le contrat, qui découlent de ces échanges de courriers, ou de ces échanges de documents précontractuels. C'est un peu dangereux, évidemment, parce que, je vous le rappelle, le but c'est toujours une certaine prévisibilité sur les obligations des parties. Et donc, si on commence à dire que ce qui n'est pas prévu dans le contrat peut être prévu, le cas échéant, par des documents beaucoup moins formels qui sont des documents précontractuels, eh bien il y a un risque que, finalement, les parties ne soient plus du tout d'accord sur l'étendue de leurs obligations respectives. Alors, là aussi il y a une parade, bien sûr, contre ce risque-là. Cette parade, c'est une clause tout à fait standard, qu'on utilise de façon très régulière dans les contrats, mais elle est utile, en raison de la problématique dont nous venons de parler, et cette clause c'est une clause dite d'intégralité. Alors vous avez cette clause qui apparaît devant vous ; c'est une clause, encore une fois, qu'on peut formuler de différentes façons, mais la formulation est toujours assez similaire, en tous cas le sens est similaire, ici dans cette clause, this agreement and any schedules constitue the entire understanding between the parties and supersed any prior communication, representations, or agreements whether oral or in writing. Ce contrat constitue l'ensemble de l'accord entre les parties, et ça remplace tout ce qui a été fait avant. C'est l'idée d'une clause d'intégralité, l'accord des parties ce n'est que ce qui se trouve dans le texte écrit du contrat ; cela exclut que d'autres accords puissent être déduits de cet échange de documents. Évidemment c'est une clause, quand même, très utile ; parce que vous pouvez tout à fait avoir une situation où les parties n'ont pas prévu quelque chose, mais une des deux parties dit, oui, mais vous m'aviez dit que, dans telle réunion, et la preuve, j'ai le procès verbal de cette réunion qui l'indique. Et ça, eh bien c'est contractuel, si les parties n'ont pas mis ensuite, dans leur contrat, une clause d'intégralité, telle que celle que nous venons de voir ensemble. Ça c'était l'hypothèse où le contrat est signé. Le contrat est signé, les documents précontractuels restent utiles pour l'interprétation du contrat, on peut en limiter les effets par ces clauses d'intégralité, qui évitent qu'on aille rechercher, dans ces documents précontractuels, des accords, qui n'auraient pas été ensuite formalisés. Et puis, alors, il y a l'hypothèse où le contrat n'est pas signé, parce que ça arrive, quand même, qu'on fasse des longues négociations, qu'on discute, qu'on s'échange des e-mails ou des courriers, que les parties se rencontrent, fassent des procès-verbaux de réunions, et puis que finalement, elles n'arrivent pas à se mettre d'accord, et donc le contrat n'est pas signé. Alors vous allez me dire, bon, ben si le contrat n'est pas signé, alors tous les documents précontractuels peuvent être mis à la poubelle, finalement, on a essayé, on n'a pas réussi. Eh bien non. Parce que, vous le savez tous, dans tous les ordres juridiques, et c'est le cas également en droit suisse, eh bien ces pourparlers, ces négociations font naître des responsabilités, qu'on appelle des responsabilités précontractuelles. Avec cette idée traditionnelle selon laquelle à partir du moment où les parties sont dans une relation de pourparlers, elles doivent se conduire de bonne foi l'une envers l'autre, pas mentir, ne pas tromper la partie adverse, ne pas continuer à discuter alors qu'on sait déjà qu'on ne va pas conclure le contrat ; bref, toute une série d'obligations de bonne foi qui s'inscrivent dans le cadre de cette relation précontractuelle. Alors évidemment, si le contrat n'a pas été conclu, il y a forcément au moins une des deux parties qui n'est pas contente, qui n'est pas satisfaite de cet échec, et qui peut éventuellement aller rechercher, dans ces documents précontractuels, quelqu'informels qu'ils soient, les sources d'une responsabilité de nature précontractuelle. Bref, tout cela pour vous dire qu'il faut faire attention. Il faut faire attention par rapport à tous ces documents qu'on échange, qui n'ont l'air de rien, mais qui peuvent avoir des conséquences lourdes en termes d'interprétation du contrat, en termes de complètement du contrat, le cas échéant, si le contrat n'a pas été signé, en termes de responsabilité précontractuelle. Par définition, il n'y a pas de catégories légales de documents précontractuels. On peut faire tout ce qu'on veut, on discute comme on veut, le législateur ne va pas intervenir pour nous expliquer comment on doit discuter. Alors, la seule chose qu'on peut faire, comme juriste, c'est d'essayer de reconnaître différentes catégories. D'essayer de distinguer différents types de documents précontractuels, d'une nature, peut-être, un peu différente. Et on distingue ainsi, traditionnellement, des documents qu'on appelle des lettres d'intention, letter of intent, d'autres documents qu'on appelle des accords-cadres de négociation, là, étrangement, il n'y a pas de terme anglais pour ces accords de négociation, c'est ce que les allemands appellent les, Vorfelds Verhandbarungen, mais en anglais effectivement, on ne trouve pas de traduction pour ce terme-là, vous avez aussi des documents qu'on appelle des, memorandum of understanding, très classiques, les MOU, M, O, U, sont des documents précontractuels et puis, on peut arriver jusqu'à la promesse de contracter. En droit suisse, l'Article 22 du Code des obligations. Alors, il faut faire attention à ces catégories, parce que les parties font ces documents précontractuels sans forcément s'en rendre compte. Encore une fois, il n'y a rien d'officiel dans cette approche qu'on peut avoir des documents précontractuels. Et vous pouvez avoir un document dont vous dites, oui, ça correspond à une lettre d'intention, parce que vous avez cette définition en tête, de la lettre d'intention, ce ne pas forcément ce que voulaient faire les parties. Ou vous pouvez avoir les parties qui font un memorandum of understanding, et puis finalement, en lisant ce memorandum of understanding, vous dites oui mais finalement, c'est plutôt une lettre d'intention que vraiment un memorandum of understanding. Donc c'est très informel, on n'est pas du tout dans les terrains balisés de contrats qui seraient régis par une partie spéciale d'un code, on est vraiment dans un essai de repérage par rapport aux différents types de documents que les parties peuvent s'échanger dans le cadre de la négociation d'un contrat. Cela dit, puisque ces documents ont des effets juridiques, et des effets juridiques parfois importants, on vient de le voir, eh bien c'est utile d'avoir en tête la catégorisation que l'on peut faire de ces différents types de documents. Alors le premier de ces documents, peut-être le plus simple à faire, c'est ce qu'on appelle la lettre d'intention, letter of intent en anglais, L, O, I, c'est une abréviation qu'on trouve assez régulièrement. Les parties ensuite se réfèrent à la, L O, I, letter of intent, de telle date. Une vraie lettre d'intention, c'est un document dont il ressort que les deux parties ont l'intention de commencer les négociations. Voilà, ça c'est la définition que l'on peut faire d'une lettre d'intention. Alors, parfois, les parties utilisent le terme de lettre d'intention pour des documents qui les engagent beaucoup plus. Mais, si on veut faire une classification des documents précontractuels, la lettre d'intention, c'est juste un document dont il ressort que les deux parties sont d'accord de commencer les négociations. Vous allez me dire, et alors? Eh bien, et alors c'est important, pourquoi c'est important? Parce que, je vous l'ai dit, il y a des responsabilités précontractuelles, qui découlent de la naissance d'un rapport de pourparlers. D'une relation de négociation. Sauf que le rapport de pourparlers il faut l'établir. Comment est-ce que vous établissez que vous étiez dans une relation de négociation avec la partie adverse, si vous voulez faire valoir sa responsabilité pré-contractuelle. Quelle est la différence entre, dans le fond, un rapport de négociation et puis une discussion de couloir, ou dans un cocktail où, entre deux verres de champagne, vous dites, oui, ça m'intéresserait finalement d'envisager telle transaction. Et puis l'autre vous dit, oui, il faudrait qu'on en parle. Est-ce que vous êtes déjà dans un rapport de pourparlers? Est-ce que vous avez déjà des responsabilités pré-contractuelles qui découlent de cette prise de contact informelle? Bon alors, en tout cas, si vous avez une lettre d'intention, ce qui est clair, c'est que les parties ont commencé à négocier. Et si les parties ont commencé à négocier, ce qui est clair, aussi, quel que soit l'ordre juridique applicable, c'est qu'elles assument des obligations de bonne foi dans le cadre de cette relation de pourparlers, et donc, qu'elles assument, le cas échéant, une responsabilité pré-contractuelle si elles se sont conduites contrairement aux règles de la bonne foi dans le cadre de cette négociation. Donc, voilà, la lettre d'intention, c'est ça, et uniquement ça. Ça peut être très peu de chose. Encore une fois, un simple échange d'e-mails où on dit on va se rencontrer à telle date pour discuter de cette affaire, et ça suffit pour créer, établir cette relation de négociation qui ensuite génère des responsabilités de nature pré-contractuelle. Ça, je dirais, c'est le degré zéro du document pré-contractuel, c'est le point de départ. On commence par dire qu'on est d'accord de négocier. C'est une lettre d'intention. Alors, ensuite, on peut aller un peu plus loin dans la façon dont on s'organise pour les négociations. Et c'est ce qu'on peut qualifier d'accord-cadre de négociation, que les Allemands appellent le iii Vereinbarung, que les Anglais n'appellent pas vraiment parce qu'ils ne l'ont pas identifié aussi clairement qu'on a pu le faire dans les pays de droit civil. Ce sont des documents dans lesquels les parties se mettent d'accord sur les modalités de la négociation. Bon, alors, ça peut être des choses très pratiques. On va se rencontrer à telle date, dans tel lieu. On enverra tel spécialiste, on préparera tel document. Et puis ça peut aller plus loin. On fera faire des études, des études de marché. Et puis, ça peut être aussi la promesse de ne pas négocier avec un tiers pendant la durée des négociations. C'est ce qu'on appelle un lock out agreement. On bloque les négociations pendant un, deux, trois mois et pendant un, deux, trois mois, on ne négocie pas avec un tiers. Et donc, on part de quelque chose qui est très simple, on se met d'accord à telle date pour se rencontrer, et puis on commence à indiquer dans ces contrats, ou ces accords-cadres de négociation, des éléments beaucoup plus obligatoires et engageants, pour ne pas dire contractuels, sur ce qu'on pourra faire et ce qu'on ne pourra pas faire pendant ces négociations. Et alors, si vous êtes amenés, comme juriste, dans le cadre de la négociation d'un contrat, à écrire un document qui pourrait être qualifié d'accord-cadre de négociation parce que vous y prenez, au nom de votre client, des engagements sur la façon dont les négociations vont se dérouler, et bien il faut faire attention à deux choses. La première chose à laquelle il faut faire attention, c'est que ces accords-là impliquent des frais qui peuvent être importants. Vous vous mettez d'accord pour réunir une documentation. Bon, il faut, le faire, ça peut coûter de l'argent. Vous vous mettez d'accord pour faire une étude de marché. Très bien. Qui paye? Celle de deux parties qui est d'accord pour faire cette étude de marché. Très bien. Si le contrat est conclu, il n'y a pas de problème. Si le contrat n'est pas conclu, celle qui a payé pour cette étude de marché va dire, et bien écoutez, moi j'ai payé pour rien donc remboursez-moi au moins la moitié. Et donc, des investissements sont nécessaires pour dans le cadre de ces accords-cadres de négociation qui sont en général assumés assez volontiers par les parties, si le contrat finalement est conclu, mais qui peuvent donner lieu à des litiges si le contrat, finalement, n'est pas conclu. Et c'est la raison pour laquelle, bien sûr, il faut se mettre d'accord sur les frais de ces démarches de négociation et la façon dont ces frais seront supportés par les deux parties. Et puis vous avez certains aspects de ces accords-cadres de négociation qui sont déjà des vrais contrats. Les lock out agreements. Je ne négocierai pas avec un tiers pendant toute la durée de nos négociations. C'est déjà une vraie obligation de nature contractuelle. Donc, vous pouvez avoir des obligations contractuelles contenues dans ces accords-cadres de négociation. Accord de confidentialité, c'est un autre exemple classique de ces accords-cadres de négociation où on vous dit, je m'engage à ne pas dévoiler l'existence de ces négociations ni le contenu des documents qui me seront transmis. Alors, qu'est-ce qui se passe si l'une des deux parties, en violation de cette clause de confidentialité, transmet ces informations à des tiers? Et bien, elle viole une obligation. Une obligation de quelle nature? Une obligation contractuelle. Bien sûr, on est dans un cadre pré-contractuel. Bien sûr, le but c'est de conclure un contrat. Mais enfin, déjà dans ces contrats-cadres de négociation on prend, l'une des deux parties prend un engagement de nature contractuelle de ne pas négocier avec un tiers, de garder une certaine confidentialité. Et ces accords-cadres de négociation peuvent donc, suivant leur dégré d'évolution, contenir déjà des obligations contractuelles, avec, bien sûr, des responsabilités qui en découlent et qui sont des responsabilités pré-contractuelles. Donc, ce sont des documents moins innocents qu'il n'y paraît. Bien sûr, on se dit, bon tant que le contrat n'est pas conclu, ce n'est pas très juridique. C'est faux. C'est faux. Un document pré-contractuel, et notamment un accord-cadre de négociation recèle d'obligations de nature pré-contractuelle ou contractuelle, regorge de ce type d'obligations, et par conséquent il faut y faire d'autant plus attention que les parties ont tendance à être relativement informelles par rapport à ça. Je me souviens, dans une affaire il y a quelques années, d'un procès verbal de négociation. Et puis, dans ce procès verbal, il y avait toute une série d'engagements qui étaient pris sur la façon de, de négocier, et puis j'expliquais au client, et bien écoutez, ça c'est déjà contractuel, si vous violez ça, vous assumez des responsabilités pré-contractuelles. Et le client stupéfait, une personne tout à fait charmante, de parfaite bonne foi, m'avait dit, mais c'est juste un procès verbal de négociation. Dans son esprit, il était totalement exclu qu'un simple procès verbal de négociation, les minutes of understanding, c'était le terme que je recherchais, des simples minutes of understanding, minutes of the meeting, puissent déjà être une source de responsabilité contractuelle. Or, je vous le rappelle, un contrat, c'est juste l'accord des deux parties, et cet accord conduit à des responsabilités de nature contractuelle. Si, dans un document pré-contractuel, qui peut être appelé comme vous le voulez, par exemple minutes of the meeting, vous avez déjà des accords qui sont passés par les parties, et bien ces accords génèrent des responsabilités de nature contractuelle. [AUDIO_VIDE]