[MUSIQUE] Alors on arrive à la conclusion que, même si le principe essentiel du droit des contrats, c'est le principe de la liberté contractuelle. Même si l'article 19 du code des obligations reste la seule vraie règle utile du code des obligations, à mon avis. Il n'en reste pas moins que cette liberté contractuelle est parfois critiquée, battue en brèche par des censeurs de plus en plus nombreux, qui considèrent que le libéralisme a ses effets pervers, que tout le monde connaît, et que ces effets pervers se retrouvent aussi en droit, par conséquent, il faut remettre en cause cette liberté contractuelle. Donc il faut faire attention aux limites de cette liberté, qui sont, suivant l'ordre juridique dans lequel vous vous trouvez, plus ou moins contraignantes. Qu'est-ce qu'on peut faire? On peut, en tous cas, limiter les dégâts. On ne peut pas les exclure totalement, on ne peut pas décider de ne pas appliquer des règles impératives, puisque par définition, les règles impératives, s'appliquent, que les parties le veuillent ou non. Mais on peut quand-même limiter les dégâts. Pourquoi? Bien, parce que, lorsque le contrat est en contradiction avec une règle impérative du droit qui lui est applicable, il y a forcément une question qui se pose : est-ce que c'est le contrat qui est nul? ou est-ce que c'est juste la clause, qui doit être annulée? Par exemple, vous avez dans le contrat un taux d'intérêt excessif qui est prévu par ce contrat. Est-ce que c'est juste la clause qui fixe le taux d'intérêt qui doit être annulée, ou est-ce que c'est tout le contrat qui doit être considéré comme nul, parce que usuraire? Tous les ordres juridiques ont une solution par rapport à cette question classique, est-ce qu'il s'agit d'un cas de nullité totale du contrat, ou d'un cas de nullité partielle? On écarte juste la clause problématique. En droit suisse, pour ceux d'entre vous qui êtes des juristes suisses, c'est l'article 20 alinéa 2 du code des obligations, qui vous dit il faut que les juges déterminent quelle était la volonté hypothétique des parties? La volonté hypothétique, c'est : quelle aurait été la volonté des parties, si elles avaient su que cette clause était nulle? Alors, le juge détermine la volonté hypothétique des parties, et dit : bon ben, si les parties avaient su que cette clause était nulle, elles auraient quand-même conclu le contrat. Et donc, le contrat est certes nul pour ce qui est de cette clause, mais le reste du contrat, demeure en vigueur. Ou alors le juge suisse peut dire non, finalement, si les parties avaient su que cette clause n'était pas valable, elles n'auraient pas conclu le contrat. L'usurier, s'il avait su qu'il n'avait pas droit à 25 %, il n'aurait pas conclu ce contrat. Et donc, le contrat est totalement nul. Bon c'est le test du droit suisse, vous avez d'autres systèmes, mais ça tourne toujours un petit peu autour de la même idée. Dans les principes UNIDROIT relatifs aux contrats de commerce international, vous avez l'idée qu'il faut que le juge détermine ce qui est raisonnable, est-ce qu'il est raisonnable de maintenir la totalité du contrat, ou est-ce qu'il est raisonnable de simplement annuler juste la clause qui est problématique? Ces règles s'appliquent, elles sont bien rédigées, on ne voit pas tellement ce qu'on pourrait proposer de mieux, dans le fond, comme solution à cette question de savoir si la nullité doit-être totale, ou partielle. Sauf qu'évidemment, de nouveau, elle crée beaucoup d'incertitudes pour les parties. Parce que le jour où cela arrive devant un juge, c'est qu'il y a un litige, et donc les parties ne sont plus du tout d'accord sur ce qui est raisonnable. Ou sur ce qu'aurait été leur volonté hypothétique. Si les deux parties sont d'accord de dire, ben là, on fait comme si le contrat n'existe pas, très bien, il n'y a pas de problème. Donc, il y a une des deux parties qui veut que le contrat soit maintenu, du moins, ce qu'il est possible de maintenir, et puis l'autre partie qui ne veut pas. Et donc, la volonté hypothétique, a posteriori, c'est quand même difficile à déterminer, alors que justement, les parties ne sont plus du tout d'accord. Même chose pour le caractère raisonnable : qu'est-ce qui est raisonnable? Ca dépend de ce que voulaient les parties, mais on ne sait pas trop, puisqu'elles ne sont plus d'accord. Ce qu'on peut faire pour éviter d'en arriver à une solution totalement imprévisible, qui sera le point de vue du juge sur ce qui était raisonnable, ou ce qu'aurait été la volonté hypothétique des parties, c'est de dire ce que les parties considèrent comme raisonnable. De dire dans le contrat ce que les parties veulent. Pas leur volonté hypothétique, mais leur volonté exprimée au moment de la conclusion du contrat. Comment prévoir une clause tout-à-fait standard, qu'on trouve dans de très nombreux contrats, et qu'on appelle une clause de divisibilité. Cette clause de divisibilité, c'est une clause qui vous dit : si une des dispositions de ce contrat n'est pas valable, le reste du contrat restera restera en vigueur, ou ne sera pas affecté par la nullité de cette clause. Ces clauses de divisibilité, vous en avez une qui s'affiche devant vous, tout-à-fait classique : en cas de nullité d'une des clauses, le reste du contrat est en vigueur. C'est parfaitement efficace. Le juge, après ça, ne peut pas dire : la volonté hypothétique des parties, ça aurait été que le contrat soit nul totalement : elles ont dit le contraire. Et puis si on est dans les principes UNIDROIT, ce qui est raisonnable, c'est qu'on peut difficilement dire que ce qui est raisonnable n'est pas ce que les parties voulaient, ce qu'elles ont dit expressément. Donc ces clauses sont utiles. Elles sont un peu difficiles à faire passer à un client, parce que le client vous dit mais écoutez, moi je vous paye pour qu'il n'y ait pas de clause nulle. Donc moi je vous paye, pour que ce contrat soit valable. Bien il faut expliquer, que de temps en temps, on ne peut pas être tout-à-fait sûr que la totalité des clauses du contrat seront valables, d'autant plus que le droit peut évoluer, Y compris dans ces dispositions impératives, et que donc c'est quand-même prudent, d'avoir cette clause de divisibilité, qui est intégrée dans le contrat. Alors ça a son effet, c'est utile, c'est prudent de le mettre, maintenant il faut quand-même être conscient que c'est contraignant pour les parties. Et que votre client peut ensuite revenir vers vous en disant, si j'avais su que cette clause-là était nulle, l'usurier vient vous dire mais si j'avais su que j'avais pas le droit de prêter à 25 %, j'aurais pas conclu ce contrat. Bon alors si cette clause de divisibilité se trouve dans le contrat, il va de soi que cet argument n'est plus recevable. L'avantage c'est la prévisibilité. On sait que le juge considérera que le contrat reste valable, à part cette clause de fixation des intérêts usuraires, et les intérêts seront ramenés à des intérêts plus raisonnables du point de vue des règles sur l'usure. Voilà, mesdames et messieurs, ce que l'on peut faire de façon très générale lorsque l'on lit ou lorsque l'on analyse un contrat, que celui-ci soit en cours de discussion, en cours de rédaction, ou que celui-ci ait déjà été signé. On se pose la question du droit applicable, on se pose la question de la qualification du contrat, on se pose la question de la façon dont ce contrat sera lu, en fonction des règles d'interprétation. Si le contrat n'a pas encore été signé, on peut influencer ces règles d'interprétation par des clauses d'interprétation. S'il a déjà été signé on ne peut plus le faire, mais on peut voir si, éventuellement, les parties l'on fait avant de signer le contrat. Et puis ensuite, on lit ce contrat de façon un peu pusillanime, en étant pessimiste, et en se disant que, peut-être, ce contrat n'est pas compatible avec des règles juridiques de l'ordre juridique applicable ; et pour cela il faut identifier ses zones marécageuses, alors on s'arrête sur les clauses de responsabilité, on s'arrête sur les clauses d'usure ou de fixation des intérêts, s'il s'agit d'un contrat où une partie apparaît comme une partie faible, alors il faut faire beaucoup plus attention et se référer à vos connaissances en matière du droit du travail, ou à vos connaissances en matière du droit du bail, on arrive dans des domaines très spécialisés ; s'il s'agit d'un contrat qui gère les questions de concurrence, vous devez vous en remettre à vos connaissances en matière de droit de la concurrence ; bref, il faut lire le contrat en ayant conscience du fait qu'il y avait ces zones dangereuses, et puis si tout va bien, vous aurez intégré dans le contrat une clause de divisibilité, si le contrat n'a pas encore été signé, vous pourrez le faire, c'est une clause qui limite les dégâts, mais qui ne les exclue pas. Evidemment, ça ne permet pas de contourner des dispositions impératives. [AUDIO_VIDE]