[MUSIQUE] Bonjour. Pour progresser dans ce cours de mécanique quantique et en particulier pour mieux comprendre les effets d'interférences d'ondes de matière, nous allons introduire aujourd'hui un outil théorique fondamental qui est la transformation de Fourier. La transformation de Fourier a des liens étroits avec les effets de diffraction en optique et donc avec les effets de propagation ondulatoire. Je vais maintenant la présenter d'un point de vue mathématique, et nous verrons plus tard son rôle en optique, que nous pourrons illustrer par une expérience d'holographie synthétique. Mais pour commencer, partons maintenant à la découverte de la transformation de Fourier dans les deux premières leçons de ce chapitre 3. Tout d'abord, qui était Fourier? Joseph Fourier était un physicien et mathématicien du XIXe siècle qui a été professeur à l'École Polytechnique en succédant à Pierre-Simon de Laplace. Il a accompagné Bonaparte qui n'était pas encore Napoléon dans la campagne d'Égypte à la fin du XVIIIe siècle. Beaucoup de savants ont participé à cette campagne, et ils ont étudié et collecté énormément de choses en Égypte, dont la fameuse pierre de Rosette qui a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes. Quand Napoléon est devenu empereur, Fourier est devenu préfet de l'Isère à Grenoble, et il a continué à travailler en ayant à la fois une activité administrative et une activité scientifique. Puis, il a été nommé à l'Académie des Sciences en 1817 et il est devenu une personnalité importante de son époque. D'un point de vue scientifique, Fourier a travaillé sur la propagation de la chaleur, et il a aussi été l'un des premiers à travailler sur l'effet de serre. Fourier était un visionnaire, et il a introduit des outils mathématiques très puissants, que personne ne comprenait vraiment à son époque. En fait, ses méthodes ont été très critiquées pour leur manque de rigueur mathématique, mais ses outils étaient tellement puissants que les mathématiciens eux-mêmes ont voulu leur redonner une légitimité scientifique, et il a fallu pour cela refonder toute la théorie de l'intégration. Ses travaux mathématiques ont conduit en particulier à la théorie des distributions de Laurent Schwartz, qui a créé un cadre rigoureux dans lequel les aventures physico-mathématiques de Fourier ont pu prendre tout leur sens. Le problème qui a beaucoup préoccupé Fourier a donc été celui de la propagation de la chaleur. On considère un corps qui conduit la chaleur, un métal par exemple. On le chauffe à une extrémité. La barre métallique est initialement chaude à un bout, froide à l'autre, puis la température va se propager et s'uniformiser. L'équation de propagation de la chaleur est écrite ici : U de x et de t est la température au point x à l'instant t. Cette équation fait intervenir la dérivée première par rapport au temps et la dérivée seconde par rapport à l'espace. Et D s'appelle le coefficient de diffusion de la chaleur. C'est pour résoudre cette équation que Fourier a introduit sa transformation, car comme nous allons le voir, elle permet de transformer des équations différentielles en équations algébriques. Et dès qu'on utilise cette transformation de Fourier, la solution de cette équation, qui n'a pas l'air complètement triviale devient extrêmement simple. Nous ferons ce calcul en détail, pas avec l'équation de la chaleur, mais avec l'équation de Schrödinger qui a une structure tout à fait similaire. Mais avant cela, voyons d'abord un peu plus en détail ce qu'est la transformée de Fourier, et quelles sont ses principales propriétés. Pour introduire la transformation de Fourier, je vais repartir de la notion plus simple de série de Fourier. On considère donc une fonction g de x à une dimension, qui est périodique avec une période L, et qui est de classe C2, c'est-à-dire deux fois dérivable à dérivée continue. On peut montrer que g de x peut se décomposer sous la forme suivante qu'on appelle une décomposition en série de Fourier. C'est une somme infinie de termes comprenant un coefficient fn multiplié par une exponentielle oscillante et sommée sur tous les entiers n. L'argument de cette exponentielle fait intervenir la variable x et une quantité ksi 0 qui est égale à 2 pi sur L, où L est la période de la fonction. Quand l'entier n sur lequel on somme est de plus en plus grand, on voit que l'exponentielle va osciller de plus en plus vite, et on parle souvent de décomposition en harmonique, car ksi 0 correspond à une fréquence fondamentale qui peut être une fréquence spatiale ou une fréquence temporelle selon que x est une coordonnée d'espace ou de temps. On voit alors apparaître des multiples de cette fréquence fondamentale qui sont appelés harmoniques. Ce mot vient de l'acoustique et de la musique, et on parle souvent d'analyse harmonique. Les mathématiciens nous disent que cette série converge uniformément, et que la valeur du coefficient fn s'obtient à partir de g de x. En calculant cette intégrale, on intègre donc sur une période le produit de g de x par un facteur exponentiel qui ressemble beaucoup au précédent, sauf qu'il y a un signe moins au lieu d'un signe plus. On peut ainsi reconstruire la fonction de g de x à partir de l'ensemble des coefficients fn. C'est le principe de la série de Fourier. La transformation de Fourier qu'on va voir maintenant est en fait l'extension de cette idée à des fonctions non périodiques. Considérons donc cette fonction g de x qui n'est plus périodique, mais qui satisfait quelques hypothèses raisonnables. En particulier, on supposera qu'elle s'annule assez vite à l'infini. Je reviendrai là-dessus un peu plus loin. Fourier a donc montré qu'on peut exprimer une telle fonction g de x comme une somme continue d'exponentielles oscillantes multipliées par une fonction f de ksi, et intégrées sur la variable ksi qui varie continûment. Et bien sûr, il a aussi donné l'expression de ksi f de ksi en connaissant g de x que nous allons voir dans un instant. Mais avant cela, quelques définitions. On dit que f de ksi qui remplace donc le coefficient fn de la série de Fourier est la transformée de Fourier de g de x. Et nous allons voir que g de x apparaît alors comme la transformée de Fourier inverse de f de ksi. Afin de définir plus précisément cette transformation de Fourier, nous allons utiliser tout de suite les notations de la mécanique quantique, en nous intéressant à une fonction d'onde psi de x à une dimension. On a vu dans le chapitre précédent que les ondes de matière font intervenir des exponentielles complexes d'arguments ikx ou ipx sur h barre en utilisant la relation de De Broglie p égale h barre k. On va donc utiliser les mêmes exponentielles complexes dans cette formule qui définit la fonction phi de p, transformée de Fourier de psi de x. On dit alors que l'impulsion p argument de phi de p est la variable conjuguée de la position x argument de psi de x. On a donc dans cette formule deux quantités dimensionnées, la position et l'impulsion, mais l'argument de l'exponentielle est bien sans dimension, comme on peut le vérifier facilement par un petit calcul. Vous pouvez aussi vous souvenir de la relation de Heisenberg delta x delta p est supérieur ou égal à h barre sur 2, qui dit bien aussi que le produit xp est homogène à h barre. Donc xp sur h barre est bien sans dimension, et le coefficient 1 sur racine de 2 pi h barre devant l'intégration est une commodité introduite par les physiciens. Je reviendrai là-dessus tout à l'heure. Un point fondamental pour les transformées de Fourier est que si l'on veut être correct mathématiquement, il faut préciser dans quel espace de fonctions on travaille. En physique, nous aurons besoin d'être dans L2, l'espace des fonctions de carré sommable. En effet, nous avons déjà vu que le module carré de la fonction d'onde est une densité de probabilité, et l'intégrale de ce module carré est la norme de la fonction qui doit valoir 1, puisque c'est la probabilité de trouver la particule quelque part dans l'espace. Donc la manipulation d'amplitude de probabilité et de densité de probabilité va nous imposer de travailler dans L2. Du point de vue de la rigueur mathématique, ce que j'ai dit là ne suffit pas encore tout à fait, mais heureusement pour nous, Laurent Schwartz qui était professeur à Polytechnique et médaille Fields a inventé la théorie des distributions. L'idée de base de cette théorie est de restreindre encore plus la classe des fonctions sur lesquelles on travaille en considérant ce que l'on appelle l'espace S de Schwartz. Ce sont des fonctions indéfiniment dérivables et décroissant plus vite que toute puissance de x à l'infini. Vous connaissez déjà de telles fonctions. Ce sont par exemple des gaussiennes ou n'importe quel polynôme multiplié par une gaussienne. Ce sont des fonctions indéfiniment dérivables qui s'annulent rapidement à l'infini, et qui sont extrêmement robustes par rapport à toutes les opérations de dérivation ou d'intégration. Nous sommes donc très reconnaissant à Laurent Schwartz d'avoir construit un terrain de jeu dans lequel finalement les actions incongrues des physiciens peuvent être légitimées par les mathématiciens. La théorie des distributions n'est pas au programme de ce cours, et on ne l'utilisera pas explicitement dans la suite, mais si vous avez un esprit un peu orienté vers les mathématiques, vous trouverez facilement des ouvrages sur le sujet. Après cette introduction générale associant histoire, physique et mathématique, naturellement rassemblées lorsqu'on parle de la transformation de Fourier, nous allons examiner quelques propriétés cruciales qui nous seront très utiles dans la suite.